9 mai 2007
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Protection du débiteur d’une pension alimentaire

 

 

L’Association des Hommes du Luxembourg (AHL) s’inquiète des travaux actuellement au cours au sein du Conseil JAI (Justice et Affaires intérieures) sur la proposition de Règlement du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière de pensions alimentaires. 

 

En l’état actuel du droit communautaire, les obligations alimentaires sont régies par le Règlement CE numéro 44/2001 qui traite de la compétence judiciaire, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. Ce Règlement édicte des règles favorables aux créanciers d’aliments quant à la détermination du tribunal compétent et met en place un mécanisme simplifié d’exécution des décisions. Ainsi, le Règlement 44/2001 (« Bruxelles I ») instaure déjà un déséquilibre juridique au seul bénéfice des créanciers de pensions alimentaires. Entre autres, le Règlement Bruxelles I permet au créancier d’agir devant une autorité proche de chez lui.

 

Maintenant, l’Union européenne (UE) souhaite encore uniformiser la législation  et les procédures relatives aux créances d’obligations alimentaires. Le 15 avril 2004, et suite aux conclusions du Conseil Européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, la Commission a publié un Livre vert sur les obligations alimentaires. Entre autres, la Commission propose la reconnaissance automatique de la force exécutoire des jugements étrangers par la suppression des procédures intermédiaires d’exequatur ainsi que le rapprochement des règles procédurales et la mise en place d’outils facilitant l’exécution des décisions. A ces fins, elle a soumis, en date du 15 décembre 2005,  une proposition de Règlement du Conseil.

 

La Commission interprète ainsi de façon tout à fait partiale et erronée les dispositions du Traité d’Amsterdam qui prévoient la mise en place d’un espace de liberté, de sécurité et de justice au sein de l’Union européenne. Elle s’inquiète des droits des créanciers de pensions alimentaires sans veiller à un juste équilibre en veillant à garantir tout autant les intérêts des débiteurs de telles pensions. 

 

Les nouvelles propositions viennent encore aggraver la situation des débiteurs, qui sont généralement des hommes, maris divorcés et pères. Beaucoup d’entre eux se trouvent dans des situations de précarité économique et sociale. L’Union Européenne n’entend absolument pas en tenir compte, mais elle se soucie exclusivement des droits des bénéficiaires des pensions alimentaires qui doivent recevoir, sans frais pour eux, un titre exécutoire capable de circuler sans entrave dans l’espace judiciaire européen et d’aboutir concrètement au  paiement régulier des sommes dues.

 

L’AHL rejette cette approche, entre autres pour les raisons suivantes:

 

-         les autorités judiciaires d’un Etat ne savent pas correctement apprécier la situation matérielle du débiteur qui habite dans un autre Etat membre. Ainsi n’ont-elles pas la possibilité d’apprécier correctement sa capacité de paiement. Si le débiteur vit dans un pays réputé riche, comme le Luxembourg, il sera d’autant plus facilement  victime  des préjugés des autorités judiciaires du pays du créancier, qui n’ont généralement  aucune idée réaliste du coût de la vie ou des autres circonstances pertinentes telles qu’elles existent au Luxembourg. 

 

-         le débiteur doit ester devant une juridiction étrangère, située souvent loin de chez lui et pratiquant presque toujours dans une langue qui n’est pas la sienne. Il doit, à ses frais, faire traduire tous ses documents de référence : fiches salariales, déclarations fiscales, prêts, assurances et autres documents renseignant des obligations financières. Il doit souvent engager des frais de voyage et il est obligé de se faire représenter par un avocat qui n’est généralement pas au courant des conditions réelles dans le pays du débiteur et qui ne saurait donc représenter ses intérêts avec toute l’efficacité voulue. Le débiteur a intérêt de prendre un avocat dans son pays qui gère le dossier ensemble avec un confrère dans le pays du créancier, mais cela vient encore augmenter ses coûts. Ainsi, le débiteur doit engager d’importants frais pour faire valoir ses droits, même si les demandes du créancier sont dénuées de tout fondement ou quand elles sont totalement exorbitantes.    

 

-         il faut que le débiteur de pensions alimentaires puisse toujours s’adresser à ses autorités judiciaires nationales pour obtenir une réduction des pensions alimentaires si, par exemple, ses propres capacités contributives ont diminué ou si les revenus de son ancien conjoint ont augmenté. Ce droit fondamental du débiteur d’avoir recours à ses propres juridictions n’est plus garanti. Il faut aussi tenir compte du fait que dans certains Etats membres des pensions alimentaires sont accordées alors qu’elles ne le seraient pas au Luxembourg. Ceci est contraire à l’ordre public luxembourgeois.

 

-         certains des pays-membres, surtout parmi les nouveaux, ne disposent pas ou pas encore d’un système judiciaire digne de confiance. La Commission européenne devrait pourtant le savoir, puisqu’elle n’a cessé de critiquer le manque d’indépendance de certains systèmes judiciaires et la corruption qui y règne au cours des négociations d’adhésion des pays concernés. Pendant des années encore, l’évolution de ces systèmes judiciaires sera suivie par la Commission. En dépit de ces faits, la Commission Européenne veut maintenant soumettre à distance les hommes luxembourgeois comme d’autres Européens à de telles juridictions douteuses. Il est incompréhensible que le Gouvernement luxembourgeois, qui connaît pourtant également les déficiences des systèmes judiciaires dans certains pays-membres de l’Union, soutienne sans hésitations ces propositions de la Commission Européenne et refuse ainsi de protéger ses citoyens et électeurs, principalement ceux de sexe masculin.

 

 

 

Déjà actuellement, les désavantages en matière de pensions alimentaires sont à porter par les débiteurs, qui sont en  général les hommes. Toutefois, il  existe encore, à l’heure actuelle, une procédure en exequatur, mais elle ne peut se prononcer que sur la forme et non sur le fond du jugement étranger. En plus, en première instance, l’exequatur est accordé automatiquement. Par la suppression de fait d’une des instances d’appréciation et de jugement,  qui constitue un élément important  du contrôle juridictionnel, la procédure actuelle est déjà  critiquable du point de vue des Droits de l’Homme.

 

L’AHL se prononce non seulement pour le maintien de l’exequatur mais encore sur son élargissement aux questions de fond.  Elle rappelle notamment que tous les Etats n’ont pas la même définition d’une pension alimentaire, ni les mêmes conceptions sur les bénéficiaires, ni des conceptions comparables sur sa nature ou sa hauteur. L’examen  quant au fond est indispensable, notamment dans les cas où le débiteur est confronté à un jugement émanant de juridictions dont il conteste la compétence. Il est rappelé que d’après l’article 24 du Règlement 44/2001 « le juge d’un Etat membre devant lequel le défendeur comparaît est compétent. Cette règle n’est pas applicable si la comparution a pour objet de contester la compétence ou s’il existe une autre juridiction exclusivement compétente. »  Ainsi, en cas de problèmes de compétences, le débiteur ne peut pas plaider sa cause devant un tribunal étranger sous peine de reconnaître la compétence de celui-ci. Toute décision ou tout jugement émanant d’un tribunal  étranger dont la compétence est contestée doit donc être revue quant au fond par les autorités judiciaires nationales du débiteur, sous peine de déni de justice.

 

Dans les cas où il s’agit de pensions alimentaires pour enfants, cette procédure d’exequatur devrait être rapide. Afin d’éviter des difficultés de paiement, il serait souhaitable que la méthode de calcul de ces pensions alimentaires soit objectivée. A cette fin, certains modèles intéressants existent déjà à l’étranger. L’AHL rappelle aussi son opposition de principe aux pensions alimentaires à titre personnel entre anciens époux. 

 

Il convient également de redéfinir et d’élargir la notion « d’ordre public » pour protéger un débiteur national contre des décisions abusives ou erronées de juridictions étrangères. Compte tenu des difficultés auxquelles le débiteur de pensions alimentaires est confronté  pour faire valoir ses droits, y compris matérielles, il faut supposer que, très souvent, les droits à la défense en matière de pensions alimentaires ne sont pas respectés. Comment quelqu’un peut-il se défendre s’il n’en a pas les moyens ? Lorsque la Commission européenne dit que le créancier ne doit pas encourir de frais pour obtenir son titre de paiement, vise-t-elle en réalité à faire porter tous les frais de justice par le débiteur ?

 

En plus, la Commission européenne vise à mettre en place des mécanismes de coopération entre les Etats membres pour offrir au seul créancier une aide et une assistance intercommunautaire. Il est proposé  de pouvoir effectuer les démarches nécessaires sur le lieu de la résidence habituelle du débiteur, y compris au stade de l’exécution proprement dite, notamment pour obtenir des saisies sur salaires ou sur un compte bancaire, pour déclencher les mécanismes de coopération ou pour avoir accès aux informations permettant de localiser le débiteur et d’évaluer son patrimoine. En outre, il est prévu de renforcer les garanties d’accès du seul créancier à la justice, par le biais d’un système de représentation des intérêts des créanciers d’aliments par les autorités centrales des Etats membres.       

 

L’AHL s’oppose à ces intentions qui sont non seulement injustes, mais qui visent à diminuer exagérément la souveraineté des Etats membres, violent les secrets bancaire et fiscal et mettent en danger la protection des Droits de l’Homme. En effet, contrairement aux affirmations de la Commission, les débiteurs n’auront  ni droit à un procès équitable, ni droit à la protection des données à caractère personnel. Le déséquilibre entre les droits des  créanciers et des débiteurs, déjà instauré par Bruxelles I, se trouve encore aggravé au détriment du seul débiteur.

 

L’AHL s’érige aussi contre la procédure choisie pour faire adopter de telles mesures, à savoir celle du Règlement européen, qui passe largement à côté des Parlements nationaux. La procédure envisagée pour l’adoption du Règlement proposé est celle d’une décision unanime du Conseil après consultation du Parlement européen, selon la procédure prévue à l’article 67, paragraphe 2 du Traité. 

 

Ainsi, il est non seulement prévu que le Règlement proposé, qui viole les Droits de l’Homme, sera adopté en court-circuitant les Parlements nationaux mais encore que ce Règlement élimine  la possibilité des citoyens résidant sur leur territoire national de pouvoir compter sur la protection des instances judiciaires de leur propre pays.  Une telle évolution constitue  un paradigme pour la trop grande puissance des Gouvernements dans le processus d’unification européenne. Il n’y a ni transparence suffisante sur les positions défendues par le Gouvernement luxembourgeois, ni contrôle parlementaire au niveau national par la Chambre des Députés. Ainsi, cette initiative de la Commission représente un exemple-type pour le déficit démocratique au sein de l’Union Européenne.

 

L’AHL souligne  que la Communauté n’a même pas de base juridique pour agir en la matière, à savoir le droit civil de la famille,  alors que le recouvrement de pensions alimentaires n’est pas une condition sine qua non pour le bon fonctionnement du marché intérieur, conformément aux articles  61.c et 65 du Traité instituant la Communauté européenne.  Il ne s’agit pas non plus d’une question liée à la libre circulation des personnes. La Commission européenne abuse de sa liberté d’appréciation en matière d’interprétation du Traité.

 

Cette attitude de la Commission n’est pas faite pour restaurer la confiance des citoyens européens dans le processus d’unification européenne. Il faut se demander si le moment est bien choisi pour aliéner encore davantage de personnes des institutions  européennes. La Commission Européenne ne fait preuve d’aucune sensibilité politique en poursuivant un tel projet surtout à un moment où l’Europe est confrontée à d’énormes difficultés politiques.

 

L’AHL demande au Gouvernement luxembourgeois de s’opposer aux propositions actuelles de la Commission en matière de pensions alimentaires. Il est rappelé que la décision doit être prise à l’unanimité au Conseil. 

 

Contrairement à la Commission européenne, l’AHL se prononce pour une solution qui respecte non seulement les droits du créancier, mais aussi ceux du débiteur en matière de pensions alimentaires. Elle invite le Gouvernement à s’engager également sur cette voie.

 

L’AHL peut être contactée par téléphone au numéro (+352) 691 308 154, par courriel à l’adresse infos@ahl.lu ou par un courrier postal adressé à son siège. AHL c/o 153, avenue de Luxembourg, L – 4940 Bascharage.

 

 

 

Fait à Luxembourg, le 9 mai 2007

 

 

 

 

 

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