Tribunal d'arrondissement de Luxembourg 14 Juillet
2005
Non-représentation d'enfant (Article 371-1 du Code
pénal) - Eléments constitutifs
La finalité de l'article 371-1 du Code pénal consiste à assurer le respect
par les père et mère des décisions des autorités judiciaires qui ont statué sur
la garde des enfants et le droit d'hébergement et de visite. Ce même respect
incombe à toute autre personne ayant une autorité de fait sur les enfants. Les
termes employés par le législateur, à savoir la soustraction de l'enfant, sa
non-représentation et son enlèvement, concernent tous les faits de nature à
mettre en échec les mesures ordonnées par les juridictions dans l'intérêt de
l'enfant.
Le délit de non-représentation d'enfants exige la réunion de cinq éléments
constitutifs:
1) l'existence d'une décision judiciaire statuant sur la garde de
l'enfant.
En effet, le délit de l'article 371-1 du Code pénal ne se conçoit qu'en
fonction de l'existence d'une décision de justice provisoire ou définitive
exécutoire. La décision n'a pas besoin d'être coulée en force de chose jugée; il
suffit qu'elle soit exécutoire par provision, même si elle n'a pas été signifiée
(cf. Recueil annuel de jurisprudence belge 1990, V° enlèvement de mineurs, n°
3). L'article 371-1 du Code pénal s'applique par la généralité de ses termes, à
la fois à la réglementation du droit de garde, du partage des vacances et du
droit de visite.
En l'occurrence, il n'y a pas de discussion à ce sujet, les parties étant en
possession d'une ordonnance de référé, exécutoire par provision.
2) la qualité de père ou de mère des enfants ayant fait l'objet d'une mesure
les concernant.
3) la qualité de la victime: il doit s'agir d'un mineur. (...)
4) un acte matériel de commission, d'omission voire même de carence de non-
représentation d'enfant.
La non-représentation est constituée lorsque l'enfant a été réclamé par celui
qui a le droit de le réclamer et Iqrsque celui qui doit le remettre s'y oppose
soit par des agissements positifs tels que dissimulation ou refus catégorique
soit par son inertie comme en l'espèce.
Cette inertie peut consister dans le fait de ne pas user de toute son
influence pour obtenir de ou des enfants qu'ils obéissent à la décision de
justice les concernant. Lorsque, comme en l'espèce, les deux filles mineures
refusent d'être remises à leur père les réclamant, le "gardien", donc ici la
mère, ne saurait s'abriter derrière cette attitude pour échapper à toute
responsabilité pénale car elle doit user de son influence sur le ou les mineurs
pour que soit respectée la décision judiciaire (cf. Crim., 29.4.76, J.C.P.,
1976, II, 18505).
La soustraction, notion suffisamment large pour englober la
non-représentation et l'enlèvement, n'exige en conséquence pas uniquement et
exclusivement un acte positif dans le chef de son auteur. L'obligation qui pèse
sur les parents, s'ils veulent échapper aux sanctions de l'article 371-1, fait
de l'infraction prévue par ce texte non seulement un délit de commission mais
aussi un délit d'omission. Le texte de loi n'impose pas seulement à ceux qui ont
autorité sur l'enfant une obligation négative - ne rien faire pour empêcher la
représentation du mineur - il leur impose encore une obligation positive, celle
de tout faire, moralement ou matériellement, pour assurer l'exacte observation
de la décision judiciaire. Il réprime donc moins une action particulière qu'un
résultat: le délit est constitué si, par suite de carence du prévenu, la
décision n'a pas pu être ramenée à exécution (Jurisclasseur de Droit pénal, v°
enlèvement de mineurs, n°s 112 et 113; Cour d'Appel, 12 mars 1985, 666/85
VII).
Par ailleurs l'attitude d'un mineur, sa résistance ou son aversion à l'égard
de la personne qui le réclame, ne saurait constituer pour celle qui a
l'obligation de le représenter, ni une excuse légale, ni un fait justificatif,
sauf lorsqu'elle a en vain usé de son autorité et que seules des circonstances
exceptionnelles expressément constatées l'ont empêchée d'exécuter son obligation
(Cass. fr., 23 janvier 1968, Bull. crim. 1968, n° 20; Cass. crim., 23 novembre
1982, D., I.R., 143; Cour d'Appel, 13 mars 1991, n°484/91; Cour d'Appel, 30
janvier 1996, n° 56/96).
5) l'intention délictueuse.
La loi n'exige pas d'intention criminelle déterminée. Il suffit que l'auteur
de l'infraction ait agi volontairement en sachant qu'il violait une décision de
justice. L'élément intentionnel est un des éléments essentiels du délit de
l'article 371-1 du Code pénal qui se caractérise par le refus réitéré et
délibéré de remettre le ou les enfants à la personne qui a le droit de le
réclamer, quel que soit le mobile qui guide cette attitude (Crim., 3.7.84, Bull,
crim., n° 254, p. 672).
Tribunal d'arrondissement de Luxembourg - 14.07.2005 - 9e Chambre - Jugement
correctionnel - N° 2370/2005